Partie II
Pour demeurer compétitives, les entreprises recourent à des stratégies d’affaires de plus en plus complexes telles que l’intégration horizontale, la délocalisation, l’innovation ouverte, la sophistication de la structure du capital, etc. En contrepartie des avantages que procurent de tels choix stratégiques, les risques organisationnels se multiplient. Cela a incité de nombreuses entreprises à adopter l’ERM , la gestion intégrée des risques en lieu et place de la gestion en silo de ces derniers. À cet effet, plusieurs cadres ont été introduits afin de guider l’implantation de cette approche relativement nouvelle et holistique de la gestion des risques. Au nombre de ceux-ci, on peut citer le cadre proposé par la Casualty Actuarial Society (CAS), le cadre intégré de gestion des risques d’entreprise de Coso, celui d’ISO 31000, etc. exigences techniques et de conformité. Pour ceux qui souhaitent comprendre les facteurs organisationnels à prendre en compte pour une mise en œuvre réussie de la GRE, les cadres existants sont insuffisants. Toutefois, l’essentiel de la démarche proposée par ces cadres porte sur des considérations techniques et de conformité à des règlements comme ceux émis par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (Basel Committee on Banking Supervision, BCBS). Ainsi, lorsque vient le temps pour les entreprises d’identifier les facteurs à prendre en compte pour réussir la mise en œuvre de l’ERM, ces cadres prescriptifs se révèlent insuffisants.
Avant toutes choses, en tant que gestionnaires de risque, vous devez savoir que la mise en œuvre de l’ERM constitue un défi sociotechnique. En d’autres termes, un ensemble de facteurs sociotechniques se combinent pour influencer le succès de cette implantation.
Vous êtes surement en train de vous demander : Quels peuvent bien être ces facteurs sociaux et techniques? Dans cette seconde partie de l’article , seuls les facteurs techniques sont présentés, les facteurs sociaux ayant été traités dans la première partie de l’article.
B- FACTEURS TECHNIQUES
En ce qui concerne la mise en œuvre de la Gestion intégrée des risques (ERM), le sous-système technique vise principalement les capacités d’intégration des organisations. Notre étude a identifié les capacités d’intégration les plus pertinentes: la capacité d’intégration des connaissances, la capacité des technologies de l’information et la capacité de changement organisationnel.
Capacité d’intégration des connaissances
Étant donné que la gestion globale des risques concerne tous les domaines fonctionnels de l’organisation, la capacité d’intégration des connaissances est indispensable.
En effet, la qualité du transfert des connaissances au-delà des frontières – entre ces unités fonctionnelles, y compris les phases de gestion des risques – peut avoir une incidence sur l’efficacité du processus de mise en œuvre de l’ERM.
Il a été constaté que la réussite de la mise en œuvre de la gestion globale des risques repose en grande partie sur la capacité dynamique de l’organisation à intégrer ces poches disparates de connaissances spécifiques à un domaine, du moins en ce qui concerne la gestion des risques. La capacité d’intégration des connaissances est indispensable au succès de la mise en œuvre de l’ERM en tant que capacité organisationnelle indispensable pour :
- créer une syntaxe de gestion des risques partagée et stable
- générer une compréhension mutuelle entre les acteurs
- transformer les connaissances existantes afin de concilier les intérêts divergents.
Capacité informatique
La mise en œuvre et l’exécution de la gestion globale des risques obligeront l’organisation à gérer quotidiennement une énorme quantité de données provenant de l’intérieur et de l’extérieur. En l’absence de capacités informatiques adéquates, le volume d’informations à traiter dépassant les capacités de traitement humain submergerait l’organisation.
La capacité informatique des organisations influence positivement la mise en œuvre réussie de la GRE. Une infrastructure informatique flexible permet aux unités fonctionnelles et départementales de mieux intégrer leurs méthodologies spécifiques de gestion des risques, de développer des partenariats commerciaux et de développer des connaissances tacites grâce à des interactions durables entre les membres de l’entreprise, y compris le personnel informatique.
Capacité de changement organisationnel
La mise en œuvre de l’ERM implique de modifier la manière dont les organisations conduisent généralement leurs affaires. Par conséquent, les organisations doivent développer leurs capacités de gestion et d’organisation afin de mettre en œuvre les types de changements nécessaires au développement et à l’implantation de l’ERM. Une caractéristique importante de la gestion intégrée des risques de l’entreprise (ERM) concerne la combinaison de toutes les activités de gestion des risques en un cadre intégré facilitant l’identification des interdépendances entre les risques internes et externes de l’organisation. Cependant, nombre de ces risques proviennent de l’environnement externe des organisations, lequel est sujet à des conditions de changement dynamiques. En outre, on attend de l’ERM qu’elle rendre les organisations plus prévisibles et plus efficaces dans l’évaluation, l’adoption et la gestion de la myriade de risques auxquels elles sont confrontées. D’ailleurs, nous avons trouvé que la viabilité de l’ERM est associée aux des organisations ayant pu s’adapter aux conditions de changement dynamique de l’environnement. En bref, la capacité de changement d’une organisation s’impose comme une condition sine qua non en ce qu’elle favorise la réalisation des changements nécessaires au succès de la mise en œuvre de l’ERM au sein de l’organisation.
Facteurs complémentaires
Outre les facteurs sociotechniques identifiés jusqu’à présent, nous avons identifié deux facteurs complémentaires qui jouent un rôle important dans la mise en œuvre efficace d’un système de gestion intégrée des risques de l’entreprise (ERM). Ces facteurs sont le temps mort, l’expérience de travail antérieure avec des changements.
Temps creux ou de battement: la mise en œuvre de l’ERM nécessite des capacités de traitement de l’information et de création de sens. Lorsque le rythme de travail dans un environnement organisationnel permet aux membres de l’équipe de consacrer plus de temps et d’attention au projet ERM que le minimum requis, ces derniers accroissent leur capacité de traitement en consacrant du temps à la des activités d’apprentissage. Une telle condition contribue au succès du projet de mise en œuvre l’ERM. En revanche, nous avons trouvé qu’un rythme de travail trop soutenu avec très peu entrave les capacités de production de sens et de traitement nécessaires au succès de la mise en œuvre de l’ERM.
Expérience préalable en matière de changements: grâce à une expérience antérieure en matière de changements, les organisations apprennent à initier et à mettre en œuvre des changements de manière continue. Ainsi, dans les organisations où les équipes de projet d’ERM ont de nombreuses années d’expérience dans les changements associés à la mise en œuvre de systèmes à l’échelle de l’entreprise ou d’autres innovations complexes, la mise en œuvre réussie de la l’ERM est plus probable. Cela est aussi vrai si les membres de l’équipe possèdent une plus grande capacité de création de sens.