Première Partie 

Pour demeurer compétitives, les entreprises recourent à des stratégies d’affaires de plus en plus complexes. En contrepartie des avantages que procurent de tels choix stratégiques, les risques organisationnels se multiplient. Cela a incité de nombreuses entreprises à adopter l’ERM , la gestion intégrée des risques en lieu et place de la gestion en silo de ces derniers.

À cet effet, plusieurs cadres ont été introduits afin de guider l’implantation de cette approche relativement nouvelle et holistique de la gestion des risques. Au nombre de ceux-ci, on peut citer le cadre proposé par la Casualty Actuarial Society (CAS), celui de Coso et celui d’ISO 31000, etc. Ces cadres traitent essentiellement des considérations techniques et de conformité à des règlements comme ceux du Basel (Basel Committee on Banking Supervision, BCBS).

Ainsi, lorsque vient le temps pour les entreprises d’identifier les facteurs à prendre en compte pour réussir la mise en œuvre de l’ERM, ces cadres prescriptifs se révèlent insuffisants.

Avant toutes choses, en tant que gestionnaires de risque, vous devez savoir que la mise en œuvre de l’ERM constitue un défi sociotechnique. En d’autres termes, un ensemble de facteurs sociotechniques se combinent pour influencer le succès de cette implantation.

Vous êtes surement en train de vous demander : Quels peuvent bien être ces facteurs sociaux et techniques? Dans cette première partie de l’article, seuls les facteurs sociaux sont présentés. Les facteurs techniques seront traités dans la deuxième partie de l’article.

A- Facteurs sociaux

Cadre d’orientation stratégique

La direction doit combiner la vision du projet avec le rationnel d’affaires pour constituer un cadre d’orientation stratégique.

La vision sert à clarifier les objectifs et la direction générale du projet et doit être cohérente avec la définition, la portée, les objectifs et la stratégie du projet.

Le rationnel ou logique d’affaires, généralement formulé par la haute direction, sert à promouvoir le projet d’ERM y compris la manière dont celui-ci devrait être justifié, financé et légitimé. À cette fin, le rationnel doit comporter une série de critères permettant de justifier le projet de mise en œuvre, en soulignant les avantages escomptés, y compris les changements que cela implique. Malgré son caractère stratégique, cette justification doit être diffusée au niveau opérationnel de manière à être comprise par les responsables de la mise en œuvre du projet ERM.

Une telle orientation stratégique facilite la participation des parties prenantes au projet d’implantation de l’ERM et, par conséquent au succès de cette implantation.

Soutien de la direction

L’ERM recoupe toutes les unités fonctionnelles de l’organisation. Donc, l’appui de la direction est particulièrement essentiel pour briser la culture de silo et créer des partenariats entre les responsables des unités fonctionnelles. En effet, les cadres supérieurs sont les premiers membres de l’organisation à voir les nouvelles opportunités créées par les besoins d’une unité fonctionnelle pouvant être desservies par les compétences disponibles dans une autre unité fonctionnelle. Ce soutien provient essentiellement de l’attitude et des convictions de la direction perçues par les employés.

Attitude et convictions des cadres

De plus, il a été trouvé que les convictions des cadres supérieurs concernant les initiatives d’une organisation et leur participation à celles-ci contribuent à favoriser la participation des acteurs organisationnels à ces initiatives. Il a également été trouvé que l’attitude et les actions positives des cadres supérieurs envers l’ERM influencent fortement les convictions et les attitudes des employés. Fort de cela, les responsables opérationnels ont eu tendance à placer le projet de gestion intégrée des risques en tête de leur liste de priorités.

Mécanismes de coordination

Comme déjà souligné, l’ERM, étant une approche de gestion des risques à l’échelle de l’entreprise, englobe toutes les unités fonctionnelles, à savoir des communautés de pratique, lesquelles constituent des poches de connaissances. Par conséquent, dans le contexte de la mise en œuvre de l’ERM, la coordination est obligatoire pour intégrer les connaissances spécifiques développées et accumulées par les différentes unités fonctionnelles de l’entreprise. Nous avons en particulier trouvé que la présence d’une équipe de liaison en charge de la coordination des activités du projet d’ERM s’est révélée propice au succès de l’implantation.

L’Implication des employés

La mise en œuvre de l’ERM implique une formation et des apprentissages considérables en matière de changement de comportement. Par exemple, les personnes impliquées dans la gestion des risques doivent élargir l’éventail des compétences qu’elles sont censées disposer. En outre, elles doivent collaborer avec les employés d’autres unités. Cette collaboration implique des adaptations mutuelles en termes d’attitudes et de comportements. Seuls les employés qui se sentent impliqués dans le projet de gestion du risque d’entreprise sur le plan cognitif et concernés par celui-ci ont accepté de relever ces défis.

Climat organisationnel

Un projet d’implantation de l’ERM affecte profondément le fonctionnement de l’entreprise à plusieurs égards: collaboration entre les unités fonctionnelles, communication transparente des risques, création d’un langage de risque commun, adoption de nouvelles procédures, etc. À cet égard, comme on pouvait s’y attendre, un climat organisationnel d’intégration favorisant l’interdisciplinarité professionnelle et la cohésion entre les responsables et les équipes des domaines de connaissance s’est révélé favorable au succès de l’implantation de l’ERM.